Depuis McMurdo

Salut ! Desolee pour l’absence prolongee de nouvelles mais la tempete du 31 janvier a definitivement acheve notre relais internet. Le « comm shop » de McMurdo a bien tente une sortie au sommet du Mont Terror mais apparemment sans succes. On a donc fini notre sejour sans reelle capacite de communication avec le monde exterieur, ce qui est un peu duraille sur la fin. La saison s’est finie sans heurt, avec beaucoup de poussins et tres peu d’adultes sur la colonie. On va essayer de vous raconter tt ca par petits bouts dans les jours a venir. Nous avons quitte Crozier le 26 janvier dans la matinee, avec un jour de retard sur le planning (brouillard bien dense toute la journee du 25). Moments d’activite frenetique un peu traumatisants : sauter dans son « ECW gear » (=Extreme Cold Weather gear= la doudoune rouge, les grosses bottes bleues qui tordent les chevilles, la salopette couverte de guano…), descendre les dernieres affaires (toujours nombreuses) a l’heliport, nettoyer la vaisselle du p’tit-dej, couper le gaz, proteger les fenetres, re-re-re-verifier qu’on oublie rien, etc… pendant que le pilote d’helico poiraute.

Fin du chargement de l'helico

Et puis nous voila entasses dans l’helico, on decolle et … c’est fini. 45 minutes de vol pour servir de transition : les pentes enneigees et parsemees de crevasses de l’Erebus, la calotte glaciaire, les restes de la glace de mer, la mer « libre » et enfin… McTown. Beurk. Des batiments moches, des voitures et des gros engins. La ville presque, apres ces 2 mois et demi a Crozier. Des horaires de repas de vrais ricains (tot – beaucoup trop tot), pis de la bouffe pas terrible. La bonne nouvelle, cette fois pas besoin de batailler pour avoir une chambre-placard commune avec Valere, on a droit a une belle chambre (selon les standards du coin) dans un batiment propre et relativement recent. 1ere chose : eteindre le radiateur ! Les batiments sont surchauffes ici, et apres 2 mois et demi a dormir dehors, c’est complique de trouver le sommeil par presque 25 degres… De toute facon, ce n’est pas a McMurdo que nous avons passe notre 1ere nuit post-Crozier mais sur le Polar Sea, le brise-glace des coast-guards americains !

Le Polar Sea, en attente de notre retour au large de Beaufort

Juste le temps de prendre une douche (la 1ere depuis mi-novembre…), de faire des lessives et de refaire nos sacs, et on embarquait, direction « Beaufort Island », au nord-ouest de Ross Island (je vous mets des cartes avec ce message – ouais, sauf qu’on voit pas Beaufort, mais c’est en haut a gauche de Cape Bird) pour… baguer 400 poussins d’Adelie, en peser et mesurer 50 et equiper 2 adultes avec des balises Argos.


Beaufort abrite une colonie d’environ 50 000 couples qui n’est accessible qu’au debut de la saison par helico (qd il y a encore de la banquise entre Ross Is et Beaufort, because les helicos n’ont pas le droit de voler au dessus de l’eau libre ici) ou par bateau ensuite. David, Grant et Ian y etaient alles en debut de saison pour « bandsearcher » et filmer ; l’equipe au grand complet (sauf Ian, parti mi-janvier) y est retourne cette fois pour une operation-coup de poing – 3h chrono en main !

Vue d'une (petite) partie de la colonie de Beaufort qui s'est installee sur les plages de cette ile-falaise

La Beaufort team: moi (desolee mais je commence par la gauche), David, Viola, Grant, Lloyd, Jean et Valere

Le depart de Beaufort sur nos 2 bateaux en fer

Un vrai bonheur pour finir la saison : enfin un moyen de transport decent, les coast-guards ont vraiment ete tres tres tres sympathiques et serviables, et surtout, on a pu passer de longues heures sur le pont a admirer les tres nombreuses baleines qui se nourrissaient a la limite de la glace – petits rorquals et orques en pagaille, dont de superbes vues a travers les eaux transparentes. De quoi nous coller un immense sourire sur le visage pendant un bout de temps… Aujourd’hui David, Grant et Jean ont passe l’apres-midi a Cape Crozier pour la derniere serie de mesures de poussins. Apparemment, une bonne partie d’entre-eux sont prets a partir a la mer, debarasses de leur duvet, et il n’y a vraiment plus qu’une poignee d’adultes sur la colonie. Valere et moi, on a passe l’apres-midi a tente de nettoyer les 3 tentes Scott de l’equipe avec brosses, eponges et seaux, dans un espace plutot restreint, avec qq facetieux qui semblaient ne pouvoir eviter de marcher sur ce qu’on venait de nettoyer. Un plaisir… Demain, tout le monde a Cape Royds pour baguer 400 poussins, en mesurer et peser 50 (ca vous dit qq chose ?), equiper une 10aine d’adultes de GLS (Geolocation systems) tags (fixes a la pattes des piafs et non sur les plumes, il ne mueront pas et resteront sur les oiseaux jusqu'à l’annee prochaine – entre-temps, ils auront enregistres des donnees sur la luminosite qui permettront de calculer les heures de lever, « zenith » et coucher du soleil, qui a leur tour permettront de calculer la position geographique approximative des oiseaux, si les appareils sont recuperes) et rapatrier le weighbridge. Ce qui nous laissera ensuite encore 2 jours de corvees diverses avant notre depart pour la Nouvelle-Zelande le 2 fevrier. Et je vous avoue que malgre tout, ca commence a nous tarder de voler un peu de nos propres ailes ! Apres 3 mois de vie communautaire, retrouver toute notre liberte de mouvement et de decision ne sera pas un petit plaisir !
Bon, je vais aller me pieuter, histoire d’etre fraiche et dispose pour l’helico de demain matin. Je vous embrasse bien fort, Amelie.

Et pendant ce temps-la, les poussins... grandirent!

Et ben oui, depuis que nous vous avons quittes, non pas pour des raisons de taux ethylique comme certains d'entre vous l'ont suggere (notre reveillon a ete fort raisonnable), mais plutot pour des raisons de tempete persistante (pour faire court, une bonne vieille periode de temps blanc et venteux entre le 26 decembre et le 5 janvier) voire, diraient certains mauvais esprits, pour cause de tentative de reparation du relais par les specialistes locaux des telecommunications (qui n'en ont pas grand chose a fiche, et ceci pour rester dans un registre de langage convenable et agreable a l'oreille de belle-maman).

Donc, disais-je en titre, depuis fin decembre, ou la colonie ressemblait grosso modo a ceci :
la plupart des poussins etant encore bien au chaud sous leurs parents, ces poussins ont donc... (suspense) GRANDI ! Oui, je sais, ca fait un peu ventre mou de documentaire animalier, les petits qui naissent, puis qui graillent comme des fous, puis qui changent de costume et se cassent de chez leurs parents, etc. mais bon tant pis j'en passe par la.

Voici donc l'aspect de la colonie quelque temps plus tard, avec de moins en moins d'adultes, et des poussins regroupes en "creches", faute d'adultes pour les rechauffer.
Je suis sur que vous avez remarque le poussin albinos au milieu de cette creche, hein?

Pendant donc que les poussins se la jouent tranquille, a boire des bieres, fumer des petards et jouer au babyfoot, les adultes eux triment comme des fous (petite touche scientifique : les voyages en mer, qui duraient environ 1-1.5 jours quand les poussins etaient tout petits, allongent au cours de la saison pour etre plutot de l'ordre de 2-2.5 jours a la mi-janvier, les adultes devant s'eloigner davantage de la colonie pour trouver leurs proies) pour leur apporter de la graille, regurgitee sous forme d'une appetissante bouillie rose (krill) ou grise (poisson) ou "un peu entre les deux" (mix mix mix mix - Aurillac private joke) :

Alors la par contre, je peux vous dire qu'ils bougent leur c-- les feignasses, ca bataille des coudes, oui des ailerons, enfin vous avez compris quoi. Ce qui donne lieu a des poursuites amusantes un peu partout dans la colonie... les adultes essayant d'echapper un moment a leur progeniture (ou egalement a des poussins opportunistes he he).

Au final, en fonction de la date de ponte, de la performance des parents pour les nourrir, les creches presentent des poussins de tailles tres differentes, qui auront par consequent plus ou moins de chance d'echapper aux skuas et surtout plus ou moins de chances de "plonger dans l'inconnue mouillee" en bonne condition physique... (et donc de survivre... oui je sais, c'est aussi souvent sur ce genre de note larmoyante que finissent les documentaires animaliers).

Non, pas tout a fait d'ailleurs, la vraie fin des documentaires, c'est souvent un coucher de soleil ou un truc dans le genre, avec un petit qui passe devant, "et qui sera peut-etre dans quelques annees de retour dans cette meme colonie qui l'a vu naitre, afin de perpetuer son espece et de poursuivre le cycle de la vie sur ce rude continent (blablabla)". Pas de coucher de soleil par ici, desole, mais voici quand meme une photo d'un poussin qui a presque termine sa mue, et qui est donc presque pret pour le grand depart :

Voila!

Comme vous l'aurez sans doute compris, cette opulence de photos est synonyme pour nous d'un retour a la vie cablee, nous voici de retour a Mc Murdo, marron et poussiereuse en cette fin d'ete austral.

Val